Art & Design

ENSA Dijon

6.07.2018

Publication

Séquence de ville – Quand l’inspiration cinématographique sert la scénographie urbaine

Cet ouvrage regroupe les contributions des étudiants de l3 dans le cadre de leurs cours cours d’histoire du cinéma d’Isabelle Marinone à l’université de Bourgogne et des étudiants de 3ème année section design de l’École Nationale Supérieure d’Art de Dijon.

Le thème développé ici est celui de la ville au cinéma et plus exactement des « séquences de vi(ll)e », séquences de vie, qu’offre le paysage urbain.

En binôme (uB – ENSA), les étudiants ont développé un projet intégrant la notion de quotidien inscrit dans ce décor urbain que représente la ville de Dijon.
Par notre regard sur la Ville particulièrement photogénique, nous parcourrons Dijon pour en extraire le cadre, les lieux d’un scénario possible ancré dans le quotidien. Avec ou sans personnage, nos espaces ainsi révélés appartiennent à la fiction plus qu’au documentaire, imaginaire urbain plus que fragment du réel, c’est ce décor urbain que nous faisons éclore.

C’est une véritable expérience de la ville contemporaine que nous avons souhaité créer, réelle ou virtuelle, la question de l’image et de l’esthétique urbaine sont ainsi effleurées.
Engagés dans une démarche plastique pour inscrire la mise en scène des lieux, nous témoignons de nos regards croisés.

 

Préface :

Révélateur des propriétés urbaines, le film, qu’il soit film de fiction ou film documentaire, nous aide à voir et à penser la ville. Chaque entité urbaine (quartier, rue, immeuble, etc.) possède une histoire irréductible et une identité culturelle, qui, perçue, peut être mise en valeur par le cinéma. Par ailleurs, notre culture cinématographique modifie notre perception de la cité et influe également sur notre conception de l’urbain.
Tel est le constat fait par Thierry Jousse et Thierry Paquot qui rappellent dans leur Encyclopédie de la ville au cinéma (2005) que les cinéastes Frtiz Lang, Jacques Tati, Jean-Luc Godard et Wim Wenders ou encore Ridley Scott, « ont tous su remodeler la ville pour en donner une lecture unique ». La relation intime qu’entretiennent ces deux domaines n’est plus à démontrer.
Revendiquée, célébrée, elle s’inscrit histoiquement : le cinéma, depuis sa naissance en 1895 jusqu’à aujourd’hui, a toujours questionné la ville et les possibilités de la représenter.
Fritz Lang, Michelangelo Antonioni, Serguei Eisenstein furent d’abord des étudiants en architecture et en décoration ; tandis que les chefs décorateurs Robert Mallet-Stevens, lazare Meerson et Pierre Guffroy durent d’anciens architectes et dessinateurs.
L’architecte, le scénographe, ou le cinéaste, tous utilisent le même langage, les mêmes outils, et se penchent sur les mêmes notions essentielles : celle de l’espace et du temps. Comme le cinéaste, l’architecte et le scénographe cherchent à raconter une histoire, imaginer un scénario, travailler les séquences et les plans.

Jean-Michel Frodon, dans l’ouvrage de Jousse et Paquot, recense quatre points communs fondamentaux :

*La contrainte de la matière : l’architecte travaille notamment à partir des contraintes de l’espace, de la résistance des matériaux, de la densité, tandis que le cinéma recherche des lieux de tournage et les possibilités de création de décors

* La  relation entre l’individu et le collectif : l’architecture et le film émergent de la vision individuelle d’un auteur (architecte, réalisateur), avant que cette vision ne soit confiée à un collectif (constructeurs maçons, opérateurs, monteurs).

* Le besoin d’un financement (maître d’ouvrage et producteur)

*Le rapport entre l’œuvre et le public : l’architecture comme le film sont orientés vers les masses et éprouvent une pression de la part du collectif. Comme le bâtiment sans habitant, le film sans spectateur perd de sa valeur et de sa cohérence.

Le film se constitue comme le produit de ka fragmentation spatiale et de la discontinuité. L’architecture et la scénographie urbaine adoptent des logiques de juxtaposition, de collision, de rupture, de collage, de confrontation, de mouvement, de décentrement.

On y retrouve le même intéret pour le travail des surfaces et la dé-hiérarchisation des espaces, allant de la fluidité entre les lieux (raccord) à leur interpénétration (montage). Les espaces du film sont déformés par les focales, les mouvements de caméra et le montage. L’architecte et le scénographe compressent, dilatent l’espace comme le cinéaste sculpte l’espace filmique. Les mêmes sensations kinesthésiques sont développées afin de savoir comment traverser les espaces et comment toucher le promener/spectateur.

L’architecture, la scénographie urbaine se vivent comme le cinéma dans une dimension de parcours.
Penser,concvoir, lire un ouvrage architecturé s’exprime en terme de séquences où s’aménagent découpes, failles, cadrages, percements, textures et trames de façon à rythmer ce que l’on choisit de montrer.

C’est en pensant ce rapport du point de vue pédagogique qu’est née l’idée d’une rencontre entre deux enseignements dijonnais, l’un tourné vers la Scénographie urbaine (porté par Hélène Robert), l’autre vers l’Histoire du cinéma (porté Isabelle Marinone). Deux enseignements ayant pour objectif le croisement d’approches d’étudiants de troisième année issus de ces deux formations.
C’est ici le second temps de cette expérience qui s’était fait jour l’année passée (2017), et qui avait alors permis la publication des travaux des étudiants au sein d’un micro-catalogue créatif et pédagogique intitulé Décor de cinéma, Décor de ville.

A nouveau, durant quatre mois (de janvier à avril 2018), les étudiants de l’ENSA ont élaboré puis présenté un projet scénographique avec pour thème cette année les Séquences de vie, les Séquences de ville (Séquences de vi(lL)e), croisant références cinématographiques et références artistiques.

La cité apparâit ici comme un sujet à part entière permettant d’engager une démarche plastique nourrie de sources, enrichie de lieux, transposée par une vision plastique qui s’exprime par différents médiums. La représentation de l’espace métamorphosé est alors un enjeux du projet. Les étudiants d’Histoire de l’art de l’université de Bourgogne, quant à eux, ce sont attachés au cinéma et aux références iconographiques de la peinture et des arts visuels pour enrichir les projets des étudiants de l’ENSA. Ils ont par ailleurs conçu les écrits encadrant et valorisant les travaux des jeunes artistes.

La rencontre régulière des étudiants des deux formations et leur travail pensé conjointement leur a permis d’éprouver ensemble les enjeux de la création concrète théorique (les textes). L’expérience a conduit chacun des participants de ce projet pédagogique à saisir l’importance de l’échange et de la mise en présence.
Cette initiative n’aurait pu être envisagée sans l’aide et la bienveillance de l’Ecole Nationale Supérieure d’Art de Dijon, du Département d’Histoire de l’art et d’Archéologie et de l’UFR des Sciences Humaines de l’Université de Bourgogne Franche Comté.
Qu’ils en soient tous profondément remerciés.

Isabelle Marinone et Hélène Robert (juin 2018)